Le Chili, « Coup de coeur » de Claude Dumontet

Le plus Chilien des Français ne se lasse pas de la vie à Santiago

Directeur commercial pour le réceptif ADS Mundo, basé à Santiago, Claude Dumontet est tombé amoureux du Chili qu’il a découvert au début des années 1990. Quelques années plus tard, il s’y est installé « pour voir » et n’en est jamais revenu. À la fois acteur enthousiaste et observateur privilégié du développement du tourisme chilien, il revient pour la Cotal sur les atouts de la destination et les charmes de la vie locale.

 

 

Racontez-nous : comment avez-vous découvert l’Amérique latine, et pourquoi avez-vous choisi d’y rester ?

Après avoir commencé ma carrière en Allemagne, pour un tour-opérateur, j’ai pris une année sabbatique pour faire le tour de l’Amérique latine. De passage au Chili, j’ai été accueilli par un ami qui m’a fait découvrir son pays, pour lequel j’ai eu un vrai coup de cœur. Après ce long voyage, je suis rentré en France où je me suis spécialisé dans l’Amérique latine, en travaillant trois ans pour le bureau de représentation Aviatur, avec la ferme intention de m’installer au Chili dont j’avais adoré les paysages, les habitants, la gastronomie… Un jour, j’y suis donc revenu pour chercher du travail. En matière de tourisme international, le pays en était encore aux balbutiements et il y avait des besoins. D’autant que peu d’Européens, à l’exception de quelques agences spécialisées, maîtrisaient cette destination. J’ai fait valoir mon expérience mais aussi ma connaissance du marché français pour intégrer ADS MUNDO, un réceptif qui travaille essentiellement pour la clientèle professionnelle. J’y suis entré en tant que responsable du marché européen et j’y suis encore près de 25 ans plus tard. Aujourd’hui directeur commercial, je supervise nos ventes sur l’ensemble des cinq continents.

 

Comment a évolué le tourisme au Chili depuis votre arrivée ?

À l’époque, les visiteurs étaient essentiellement latino-américains. La destination était connue de ses voisins mais peu des marchés internationaux. En Europe notamment, on associait systématiquement la Patagonie à l’Argentine, on parlait encore peu du désert d’Atacama, personne ou presque ne savait que l’île de Pâques appartenait au Chili… En outre, la dictature qui s’était achevée quelques années plus tôt continuait de peser sur l’image de marque du pays. Ce dernier a beaucoup changé depuis, en tant que tel mais aussi en tant que destination. Il y a eu un gros travail de promotion, réalisé à la fois par les professionnels du tourisme ici et par les bureaux de promotion du Chili, qui ont énormément œuvré sur la formation. Aujourd’hui, c’est une destination reconnue et bien positionnée au niveau mondial. De nombreux professionnels la proposent désormais sous diverses formes. Elle a même remporté plusieurs prix et se voit désigner « meilleure destination pour le tourisme d’aventure » pour la 4e année consécutive aux World Travel Awards. Il faut dire qu’entre le désert au nord et les glaciers au sud, il y a énormément de choses à faire sur une destination comme celle-ci !

 

 

Justement, pourquoi les touristes choisissent le Chili ? Quel est le « produit d’appel » d’une telle destination ?

Le Chili offre un vrai contraste. On peut, au cours d’un même voyage, découvrir les déserts les plus arides au monde dans la Cordillère des Andes, avec des geysers, des populations indigènes, etc., et les glaciers de Patagonie, les pingouins, les baleines, les montagnes couvertes de glace… Ce grand contraste attire énormément les gens. Le Chili reste une destination de voyageurs, qui ont déjà voyagé et souhaitent continuer à découvrir. Elle est aussi relativement onéreuse, et le développement touristique s’est d’ailleurs concentré sur le tourisme haut de gamme depuis une grosse dizaine d’années, avec de très beaux hôtels, des lodges de luxe… Ces investissements, le plus souvent 100 % chiliens, se sont accompagnés d’une promotion importante qui a aussi aidé à positionner le Chili sur la carte. Mais la destination séduit également les backpackers, notamment grâce à la diversité des hébergements qu’elle propose : nuits chez l’habitant, cabañas, bed & breakfast, hostales… Le réseau de bus longue distance, qui fonctionne très bien ici, comme les différentes compagnies aériennes low cost qui sont apparues ces dernières années, permettent de se déplacer sans grever son budget.

 

Quid de la capitale, Santiago, longtemps boudée par les voyageurs ?

C’est vrai que la ville compte peu de monuments historiques très anciens, en raison des séismes, et qu’il y a 25 ans, elle était relativement triste et grise. Pour autant, Santiago est devenue aujourd’hui une capitale très dynamique et très vivante, qui a complètement changé de visage. L’offre gastronomique y est incroyablement riche, de petits quartiers réhabilités sont désormais à la mode et l’on voit s’y ouvrir des musées et des galeries d’art. Santiago est aussi plus cosmopolite qu’avant, avec notamment de nombreux étudiants qui viennent profiter des programmes d’échange dans les universités locales. De plus, la ville est en pleine région des vignobles, ce qui permet de s’immerger au cœur des vignes à seulement une heure ou deux du centre, de faire des dégustations, de dormir sur place ou même de profiter des paysages viticoles pour faire du cheval ou du vélo. Le quartier historique de la ville portuaire de Valparaiso, qui se trouve à 1h30 de route de Santiago, figure depuis 2003 au patrimoine mondial de l’Unesco. Là encore, il est tout à fait possible de s’y rendre pour la journée depuis la capitale, ou d’y passer une nuit. Tout cela fait que la zone centrale du Chili, qui n’a longtemps été qu’un point de passage entre nord et sud, attire aujourd’hui de plus en plus de voyageurs qui n’hésitent pas à programmer quelques nuits dans la région. Santiago se prête à la flânerie et mérite qu’on s’y attarde !

 

 

Quelle est la meilleure période pour profiter de tout ce que le Chili a à offrir ?

Ici, on appelle « haute saison » la période qui va de mi-septembre à mi-mai. Mais en réalité, on peut découvrir le Chili toute l’année. Il est tout à fait possible de se rendre en Patagonie l’hiver, où ses charmes se révèlent autrement et où les températures sont moins rudes que ce que l’on pourrait imaginer. Le climat désertique de l’Atacama permet lui aussi d’en profiter en toute saison. Personnellement, j’ai un faible pour l’automne, qui correspond ici aux mois d’avril et mai : il y a moins de monde mais encore de belles journées. Et puis c’est le moment où le vent cesse de souffler en Patagonie, où les journées sont plus courtes mais encore bien ensoleillées. On a donc de bonnes conditions pour découvrir la région. J’ajoute que, si le Chili n’est pas une destination balnéaire, les eaux du Pacifique qui bordent son littoral étant fraîches, ses 4000 kilomètres de côtes offrent de jolies expériences entre ravissants petits villages, zones rocheuses, criques et forêts. Les Chiliens aiment venir se balader en bord de mer, y manger des fruits de mer…Tous les weekends ou presque, les Santiaguinos, qui ne sont qu’à 1h15 de l’océan, profitent d’ailleurs de cette proximité pour aller prendre l’air !

 

Combien de temps faut-il prévoir pour voir l’essentiel du pays ?

En moins de deux semaines, ça n’est pas possible de découvrir le nord, le sud et Santiago. L’idéal est de rester deux semaines et demi ou trois semaines : 4 ou 5 jours dans le désert d’Atacama, 3 ou 4 sur Santiago, en une fois ou en étapes entre le nord et le sud, 5 ou 6 jours dans l’extrême-sud… Souvent, lorsque l’on remonte de la Patagonie vers la capitale, on en profite également pour faire un arrêt dans ce que l’on appelle « la région des lacs et volcans », où vivent les Indiens Mapuches et où se trouvent plusieurs parcs nationaux. D’autres paysages et d’autres cultures attendent alors les visiteurs. En deux semaines, on peut aller à l’essentiel. Mais si l’on veut s’attarder dans des régions moins connues, comme près de la frontière avec la Bolivie, tout au nord, ou sur le littoral, il faut un peu plus de temps. Par ailleurs, pour découvrir le Chili complètement, on doit voir l’île de Pâques. Or elle se trouve à 4 000 kilomètres des côtes chiliennes et mérite au moins 3 nuits. L’île est petite, mais c’est un vrai musée à ciel ouvert avec ses légendaires statues Moai. Et puis il faut prendre le temps d’aller à la rencontre de ses habitants, dont environ deux tiers sont des Rapa Nui soucieux de préserver leur culture unique et ce qui fait sa spécificité. On peut aussi profiter des différentes activités offertes par la géographie des lieux : la randonnée près de son spectaculaire cratère, le surf ou la plongée dans les eaux du Pacifique, le vélo…

 

 

Avez-vous une anecdote à partager concernant votre métier, le Chili, ses habitants ?

Lorsque l’on vit ici, on va facilement se perdre à deux heures de Santiago, en plein milieu de la campagne, pour faire des découvertes gastronomiques, se promener, faire du cheval, découvrir la Cordillère des Andes… Mais surtout, le Chili se prête aux rencontres et invite à des échanges passionnants. Depuis les Conquistadors, le pays a connu des vagues d’immigrations successives et on estime à 75 % la part de la population originaire d’ailleurs. Ici, l’immigration allemande, par exemple, est bien antérieure aux guerres mondiales puisqu’elle a principalement eu lieu dans les années 1870. De nombreux Croates sont venus s’installer en Patagonie, beaucoup de Basques sont eux aussi arrivés au Chili. Il n’est pas rare de croiser de vieilles familles originaires d’Écosse, de France… Ce sont autant de pans d’histoire très intéressants ! Un jour, en pleine Patagonie, j’ai ainsi fait la connaissance d’une Écossaise de la 4e génération, propriétaire d’une estancia à Punta Arenas, qui m’a montré des lettres signées Saint-Exupéry. Lorsque ce dernier venait en Amérique du sud, pour l’Aéropostale, sa destination finale était Punta Arenas. Or il a régulièrement écrit aux familles bourgeoises qui l’accueillaient alors pour les remercier de leur hospitalité. Voilà le genre de choses que l’on découvre parfois ici, en « soulevant une pierre ». Au-delà des paysages, donc, le Chili réserve aux voyageurs des surprises tout à fait intéressantes.

 

Justement, existe-t-il un tempérament chilien ? Une manière d’être typiquement chilienne ?

Par comparaison avec certains de leurs voisins latino-américains, les Chiliens ont la réputation d’être peut-être un peu plus froids. Il faut dire que la population a longtemps été « retranchée » derrière la Cordillère des Andes, épine dorsale d’un pays auquel il était dur d’accéder. Mais une fois qu’on fait leur connaissance, on découvre un vrai sens de l’accueil et une grande gentillesse. Et même si le pays est plus cosmopolite et ouvert que jamais, les Chiliens ont conservé une vraie curiosité à l’égard des visiteurs, à qui ils font découvrir avec plaisir leur région, leurs spécialités… Ce ne sont pas forcément eux qui initieront l’échange mais ils seront heureux de le poursuivre. Ça fait partie de ce que j’ai aimé lors de mon premier voyage et de ce que j’apprécie toujours autant près de 30 ans plus tard. Plus de 20 000 Français sont installés ici, dont beaucoup comme moi ont eu un coup de cœur et ont fini par se dire « Tiens, pourquoi pas ? ». Car si Santiago est une très grande ville, on est aux pieds de la Cordillère, avec un climat qui permet de profiter de 6 à 7 mois très lumineux… Y vivre est agréable.

 

 

Un mot, pour finir, sur l’actualité touristique et générale ?

Le Chili a longtemps été considéré comme la Suisse d’Amérique latine pour sa croissance économique et sa stabilité monétaire. Mais récemment, la contestation sociale s’est accentuée et les jeunes générations, notamment, souhaitent que le pays se réforme et évolue. Le « oui » l’a emporté lors du référendum du 25 octobre dernier, qui portait sur un changement de constitution. Beaucoup espèrent que cela va permettre de travailler en profondeur sur les inégalités économiques et sociales. La jeunesse d’aujourd’hui, qui a grandi dans un monde globalisé, est en pleine prise de conscience. Son envie de changement illustre une vitalité intéressante. Pour ce qui est du tourisme, la destination a évidemment souffert de la crise de la Covid-19, entre la fermeture des frontières, la quarantaine imposée aux rares voyageurs étrangers… Le tourisme international représente ici plus de 70 % du marché, soit un énorme manque-à-gagner depuis mars. La réouverture progressive des frontières des pays voisins va sûrement relancer un peu la demande de voyages interrégionaux. C’est une première étape, en attendant de retrouver le plus tôt possible des voyageurs du monde entier !